UFAS asbl
Comme vous le savez toutes une série d’organismes et d’associations dont l’UFAS se sont adressés à la Justice en recours du décret du Ministre Willy Borsus concernant le secret professionnel des assistants sociaux. Ce recours a abouti dans pratiquement sa totalité. Ci-dessous, les commentaires de l’avocat chargé de nous défendre et le communiqué de la Ligue des Droits Humains.
Courrier de l’avocat chargé du dossier par les requérants
Voici donc l’arrêt n° 44/2019 rendu ce 24 mars.
La Cour constitutionnelle annule la disposition qui imposait aux membres du personnel des institutions de sécurité sociale qui, de par leur profession, prennent connaissance d’une ou de plusieurs informations pouvant constituer des indices sérieux d’une infraction terroriste à en faire la déclaration conformément à l’article 29 du Code d’instruction criminelle (§ 3 de l’article 46bis/1 du même code).
La raison principale de cette annulation et que le membre du personnel d’une institution de sécurité sociale peut se méprendre sur la notion « d’indice sérieux d’une infraction terroriste» .
La Cour n'annule pas la disposition qui permet au procureur du Roi de demander et d'obtenir des « institutions de sécurité sociale » des informations couvertes par le secret professionnel, dans le cadre d'enquête sur des faits de terrorisme.
La raison principale de cette « non-annulation » est que les renseignements qui peuvent être demandés par le procureur du Roi se rapportent exclusivement à la situation administrative de la personne concernée et non à toutes les données détenues par une administration (B. 11 et B.23.1) et que toute personne qui a connaissance de la demande de renseignements du parquet et de la suite qui y est donnée est tenue de garder le secret (B. 12). Par ailleurs, la mesure qui consiste à imposer la levée du secret professionnel, dans l’hypothèse où le procureur du Roi s’adresse à des institutions de sécurité sociale pour obtenir des renseignements administratifs, est raisonnablement proportionnée à l’objectif poursuivi (B. 23. 1). Il n’y a pas de recul significatif du droit à la sécurité sociale ou à l’aide sociale parce que le « non-recours » aux droits économiques et sociaux existait déjà avant la loi attaquée ! (B.33.1)
La motivation de la Cour commence aux alinéas numérotés « B » (pages 11 et suivantes). Les « A » sont un résume des arguments des uns et des autres.
Votre bien dévoué,
Communiqué de la Ligue des Droits Humains
La lutte contre le terrorisme et la destruction du secret professionnel…
Ce 14 mars, la Cour Constitutionnelle a annulé l’obligation de dénonciation active qui pesait sur les assistants sociaux des institutions de sécurité sociale : parce que le membre du personnel d’une institution de sécurité sociale peut se méprendre sur la notion « d’indice sérieux d’une infraction terroriste », notion floue et mal définie dans la loi.
En 2017, dans un objectif de lutte contre le terrorisme, une loi modifiant le Code d’instruction criminelle était adoptée pour permettre la communication entre le Parquet et les institutions de sécurité sociale en cas d’indices d’infraction terroriste. Le nouvel article 46/1 du Code d’Instruction Criminelle imposait donc une double obligation (passive et active) pour toutes les Institutions de sécurité sociale, de lever le secret professionnel, en cas de suspicion d’infraction terroriste. Les travailleurs sociaux se trouvaient alors dans l’inconfortable position de devoir dénoncer les usagers présentant des indices de terrorisme au mépris de leur mission d’assistance sociale et du secret professionnel qui en est la clef de voute.
Dans son arrêt, la Cour estime que l’obligation active qui était faite aux travailleurs sociaux de dénoncer un usager au Procureur du Roi en cas d’indices sérieux de terrorisme est illégale. Cependant, la LDH déplore que l’obligation passive d’information soit maintenue par la Cour constitutionnelle. Il est donc toujours possible pour un Procureur du Roi de demander et d’obtenir de la part d’un travailleur social des informations couvertes par le secret professionnel, dans le cadre d’enquête sur des faits de terrorisme.
La LDH se réjouit de cette petite victoire mais continue d’affirmer son opposition face à la volonté du gouvernement d’utiliser la lutte anti-terroriste comme prétexte pour porter atteinte de façon substantielle au droit à la vie privée et à la clé de voûte du travail social : le respect du secret professionnel. En outre, s’attaquer au secret professionnel pour lutter contre le terrorisme est contre-productif : si l’on sape le secret professionnel, on détruit la possibilité d’établir le lien de confiance nécessaire au travail social ; et sans la confiance, on se prive de l’accès à l’information et donc de la possibilité de lutter efficacement contre le terrorisme… c’est le serpent qui se mord la queue et le droit fondamental à la vie privée de l’usager qui est en danger !
* Requérants : Ligue des Droits Humains, Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, CPAS de Forest, Saint-Gilles, Molenbeek, Schaerbeek, Woluwe-Saint-Lambert, Chapelle, Ganshoren, Berchem-Sainte-Agathe, Auderghem, Evere, Waremme, Saint-Josse-Ten-Noode, Fédération des services sociaux, Médecins du monde, RTA asbl, la Mutualité Saint-Michel, l’UFAS.